Gabon : de l’université à la politique, Albert Ondo Ossa est devenu le rival inattendu d’Ali Bongo

Du sérail universitaire à l’arène politique, Albert Ondo Ossa, ancien ministre de l’éducation nationale, défie samedi 26 août à la présidentielle le sortant Ali Bongo Ondimba en tentant de se défaire du costume de technocrate pour incarner la « figure du changement ».
A chaque passage télévisé, peu de médias font l’économie d’égrener le CV étoffé du professeur Albert Ondo Ossa, éminent économiste de 69 ans, désigné à la surprise générale « candidat consensuel » de la principale plate-forme de l’opposition, Alternance 2023, face à des ténors politiques pourtant favoris.
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« 60 ans de Bongo, c’est trop ! », martèle à l’envi celui qui en a fait un programme et tentera de barrer la route à un troisième mandat du chef de l’Etat, élu il y a quatorze ans après la mort de son père Omar Bongo Ondimba, qui avait déjà dirigé le pays pendant plus de quarante et un ans. Egalement candidat en 2009, M. Ondo Ossa, père de cinq enfants, en garde probablement un souvenir plus amer, avec seulement 0,20 % des voix. Une tentative « sans préparation, sans moyens et avec le verbe universitaire », reconnaît Ernest Nkili, l’un de ses plus proches collaborateurs.
Né en 1954 dans une famille modeste dans le nord du pays, il présente un profil académique : titulaire d’un double doctorat en économie en France, il obtient l’agrégation au Sénégal. D’abord professeur à l’université de Libreville, il devient le doyen de la faculté de droit et de sciences économiques, acmé d’un parcours universitaire qui lui permet d’acquérir une importante notoriété dans les élites politiques et économiques dans les années 1990.
Chamboule-tout
Mais « l’amphithéâtre et l’élection présidentielle sont des terrains différents », tance Séverin Joe Malph Divassa, secrétaire général adjoint du Parti démocratique gabonais (PDG) de M. Bongo, reprenant à son compte les critiques pointant un profil trop technocrate et son « manque de présence sur le terrain ».
C’est avec un statut de figure de la société civile qu’il entre au gouvernement d’Omar Bongo en 2006, héritant jusqu’à 2009 des portefeuilles de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. « Il est tombé comme un cheveu sur la soupe du système. Des membres du gouvernement ou des militants du PDG lorgnaient ce poste. Le donner à Albert, qui vient de nulle part, a suscité des jalousies », se souvient Yacinthe Mba Allogo, ancien conseiller communication de M. Ondo Ossa entre 2006 et 2009.
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Dès son arrivée, il qualifie le secteur éducatif de « désastre national » et lance des mesures tambour battant : lutte contre « l’achat d’examens », fin des « inscriptions frauduleuses », construction d’universités et fermeture de 150 établissements scolaires « inadaptés », dont 90 à Libreville. Cette mesure est globalement saluée, mais la méthode passe mal. Et alors que quelque 8 000 élèves sur 200 000 enfants scolarisés dans le pays restent sur le carreau à la rentrée, il est confronté à une grève de deux mois des enseignants, très suivie dans le primaire.
Sous la pression des syndicats d’enseignants notamment, qui taxaient de « mépris » l’attitude de M. Ondo Ossa, Omar Bongo finit par suspendre la fermeture des écoles. « Il était seul contre tous, mais soutenu par le président, et il semblait s’en accommoder », justifie M. Mba Allogo, louant la cohérence du candidat qui « n’a jamais eu sa carte au PDG ».
« Sans compromissions »
En 2009, il part « sans esclandre ni compromissions » avec le pouvoir, se souvient Ernest Nkili. Il « n’avait pas de relation conflictuelle ouverte » avec Ali Bongo, alors ministre de la défense (1999-2009), mais un « regard différent », à l’origine de sa candidature à la présidentielle la même année.
Après avoir pleinement retrouvé la vie universitaire, il est victime d’une mystérieuse agression au couteau en 2014 à Libreville. Le gouvernement s’en était ému mais, neuf ans plus tard, il n’y a eu ni « procès » ni « arrestations », regrette M. Nkili. Sollicité, le parquet de Libreville n’a pas donné suite aux demandes de l’AFP.
Si la désignation de M. Ondo Ossa a instillé du doute parmi les militants des partis d’Alternance 2023, tant il semblait moins bien placé que d’autres favoris, l’alliance n’a pas été fragilisée pour autant et leurs principaux leaders Alexandre Barro Chambrier et Paulette Missambo emmènent un bloc soudé autour de lui.
Avec Le monde