Pérou: l’ex-président Castillo maintenu en détention pour un an et demi

Un an et demi, cela semble vraiment beaucoup pour de la prison préventive, mais c’est une particularité du droit péruvien. Ici la justice est très lente, souvent corrompue, et l’idée de ces 18 mois de détention préventive est d’éviter que des personnes accusées de corruption ou de délits graves ne puissent fuir à l’étranger ou profiter d’un vice de forme pour échapper à la justice, explique notre correspondant régional, Eric Samson.
Pour ne prendre qu’un exemple, l’ancienne candidate présidentielle Keiko Fujimori a été condamnée à la même peine lors d’un récent procès pour corruption.
Actuellement détenu dans les locaux de la Direction des opérations spéciales de la police, dans le district d’Ate à l’est de la capitale péruvienne, Pedro Castillo restera donc derrière les barreaux pour un maximum d’un an et demi jusqu’au début de son procès. Le juge a estimé qu’il existait des éléments graves et fondés pour penser qu’il avait l’intention de perpétrer un coup d’État, de dissoudre le Congrès, d’intervenir la Justice et de perturber la tranquillité publique. Selon le Parquet, Pedro Castillo pourrait être condamné à un minimum de dix ans de prison.
Anibal Torres assigné à résidence
Son ancien Premier ministre Anibal Torres, qui est aujourd’hui son avocat, est accusé comme co-auteur de la tentative de coup d’État. Il a, lui, été assigné à résidence avec obligation de se présenter régulièrement devant les autorités et l’interdiction de prendre contact avec les autres accusés.
Selon le juge, Anibal Torres est moins susceptible de s’enfuir que l’ancien président Castillo dont les avocats ont fait appel. Cette décision en tout cas ne devrait pas calmer les partisans de Castillo qui continuent de manifester dans tout le pays.
Des manifestations dans tout le pays
Un couvre-feu a été déclaré dans 15 provinces. Hier, jeudi, au premier jour de l’état d’urgence, des manifestations ont lieu un peu partout dans le pays et la répression a fait plusieurs victimes et des blessés lors des affrontements entre la police ou l’armée et les manifestants, notamment dans la région d’Ayacucho. L’organisme de défense des droits humains, Defensoria del pueblo, se plaint de ne pas pouvoir exercer sa mission en raison de l’état d’urgence.
Le dispositif de sécurité a été renforcé : des centaines de policiers, des véhicules blindés et des militaires, arme à feu en bandoulière. Un dispositif incompréhensible pour les manifestants. « L’armée est de sortie, on vient de voir un petit tank, dit une manifestante. La police nationale est sortie. Il ne manque plus que les forces armées ! Nous venons de nous-mêmes, nous ne sommes pas des terroristes. »
Ces manifestants réclament la même chose depuis une semaine : « Liberté pour Pedro Castillo, dissolution du Congrès et une nouvelle Constitution ». Il faut le libérer parce qu’ils n’ont aucune preuve contre lui. Que des on-dit. »
Dans la rue, tous se disent prêts à manifester tant qu’il le faudra. Jeudi, plusieurs groupes ont fait le voyage depuis l’intérieur du pays. Comme cet ancien membre d’un groupe dit d’auto-défense du centre du Pérou : « Nous sommes venus avec un objectif. Tant qu’il ne sera pas rempli, nous resterons là. »
Le Congrès, lui, a commencé les débats pour avancer les élections à décembre 2023 ou avril 2024.